Tuesday, June 25, 2013

Le Toastmasters




Dans la bibliothèque d’Eleanor Roosevelt, au Women Democratic Club, le buste de  JFK me sourit. Nous sommes une quinzaine autour de deux tables rondes couvertes de nappes blanches, d’argenterie et de verres en cristal. Le rituel est extrêmement codifié, chacun a un rôle à tenir. Ceux qui présentent des speechs sur des sujets de leur choix, ceux qui évaluent les orateurs, celui qui décompte le temps de parole, celui qui corrige les fautes de grammaire.  Il y a un président de séance.  On se lève toujours quand on parle. Avant et après chaque intervention, l'audience applaudit. Encore une fois, le système est construit sur la récompense.

Le storytelling est une  des clés de la communication "moderne": raconter une belle histoire qui te concerne toi, qui est vraie, et qui fait qu’on se souviendra de toi. Cela fait partie intégrante de tout discours, politique ou autre. Michelle Obama qui parle de son papa, Barack qui assure qu’il va jouer avec Spielberg dans le rôle de Daniel Day Lewis interprétant Lincoln. Tout le monde est plié de rire. Alors tu passes aux choses sérieuses. Des ficelles qui s’apprennent. Le Toastmasters est une de ces écoles. Parler en public, dans ma langue, c'est déjà quelquechose, mais en anglais, c'est une autre paire de manches. J’ai donc adhéré à Toastmasters International et, un vendredi sur deux, je participe à un de ces groupes. A Dupont, mais aussi ailleurs car beaucoup d’entreprises ouvrent leur Toasmaster club à tous.
Une fois une jeune femme est intervenue pour dire qu’elle avait eu un cancer du sein, en rémission depuis huit ans. On s’est tous levés et on l’a applaudie. Samira, Libanaise, a expliqué son rêve d’enfant de travailler aux Nations Unies pour participer à la paix dans son pays. Mais elle nous dit avoir vite compris que c’était plus efficace pour la paix de travailler pour Obama et elle a quitté son travail à l’ONU pour participer à sa campagne. Rosario a parlé avec émotion de son enfant adopté. « Je ne savais pas que c’était si difficile d’élever un enfant, pourtant j’avais eu trois chiens ».  Elle nous a expliqué aussi les trois années d’insémination infructueuses avant la décision d’adopter.
Elle était suivie de John, un retraité en bermuda et chaussettes dans sandales qui nous a vanté les mérites de son royaume. Dans le royaume de John,  il n’y a pas de fonctionnaires, pas d’impôts, pas d’intervention de l’état, pas de dette publique. Il croit à Adam Smith et à la pluie d’or qui coule naturellement des riches vers les pauvres. Autant croire au père Noël Républicain.  Martha, son évaluatrice n’a pas eu l’air convaincue. Je présume qu'elle ne vote pas pareil que lui.
Jamie, originaire du Liberia a raconté que, victime de la guerre dans son pays où a péri sa famille, il avait commencé par prendre les armes puis avait rejoint les Etats Unis où il milite contre la NRA, la National Rifle Association.  Dana nous a raconté une histoire plus rigolotte. Elle revenait d’un séjour de plusieurs années en Arabie Saoudite, là où les expatritiés soufffrent d’être privés d’alcool et fabriquent leur vin dans leur cave. Elle nous a donné la recette : jus de raisin, sucre, levure, on laisse fermenter, on filtre, quelques semaines après on a un Cabernet acceptable.
Elle a alors posé la question : savez-vous ce que portent les femmes Saoudiennes sous leurs grands vêtements noirs ?
Je me suis levée,  mes yeux ratissant l’assistance, léger sourire aux lèvres, corps détendu, bras ouverts, gestes accompagnant le verbe :
- J’étais à Asilah,  au sud de Tanger au Maroc. C était le début des années 90. Asilah est une médina très ancienne, entourée de remparts. Ce jour là j’étais au hammam, le turkish bath. C’était un hammam très traditionnel, un âne, oui l’animal qui symbolise les démocrates, y apportait continuellement du bois pour alimenter le four qui fournit la vapeur. Les rue d’Asilah sont si étroites que les automobiles ne peuvent y passer. Donc je me déshabillais avant d’aller transpirer dans la vapeur, quand une femme entièrement recouverte, y compris le visage, est entrée. Elle a commencé à retirer les couches qui se superposaient sur son corps.  Quand elle a émergé de ses voiles, je me suis trouvée face à  jeune, belle, et moderne jeune femme. Elle portait un ensemble que j’avais reluqué avec envie chez Agnès B à Paris!  Mini jupe imprimée peau de vache, blouson en agneau plongé, un tee shirt  avec un cœur pailleté sur la poitrine. Ensuite, elle m’a dévoilé une lingerie de soie, string et soutif à balconnet qui devaient venir du Faubourg Saint Honoré.
Ne vous fiez pas aux apparences.

Je me suis assise sous les applaudissements. Mon premier toastmaster.
La fois d'après, le buste de Clinton avait remplacé celui de Kennedy sur la cheminée de la bibliothèque d’Eleanor.  


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