Sunday, June 2, 2013

ETRE IRLANDAIS EN AMERIQUE




Quand on a cherché une maison,  les agents immobiliers, alertés par l’accent  de Liam, lui demandaient toujours d’où il venait. Quand il répondait, je suis né à Dublin côté nord, ma mère vient de Cork et mon père du Kerry, ils avaient toujours eux aussi de la famille dans ces coins-là. Souvent même ils connaissaient leurs voisins, cousins, grans parents, oncles.  Pendant que moi je visitais les appartements, eux, ils restaient sur le pas de la porte à discuter de leurs parentés. Quelles bêtes de relations publiques ces Irlandais !
Les Irlandais d’Irlande se sentent Américains, les Américains ont tous une origine irlandaise, une vraie histoire de famille.  Les Irlandais ont tous de la famille aux Etats Unis, surtout sur la Côte Est.  Les vols Air Lingus Dublin-New York et Dublin-Boston, fournissent un pont aérien entre les deux pays. En sortant des gares de Boston et de Washington (je n’ai pas vérifié encore Grand Central à New-york), que trouve-t-on ? Un magnifique pub irlandais of course. Tout nouvel arrivé du peut illico se jetter une pinte et retrouver le goût du vert pays.
C’est presque génétique.  Depuis longtemps les Irlandais émigrent, ou rêvent d’émigrer ou que leurs enfants émigrent en Amérique. Evidemment pour des raisons économiques. Les parents Ethiopiens, Soudanais ou Philippins font les mêmes rêves.
Vous imaginez le Président de la France aller à Washington fêter le 14 juillet avec Obama ? Et bien c’est ce que fait le Premier Ministre Irlandais. La fête nationale, la Saint Patrick le 17 mars, est plus fêtée aux Etats Unis qu’en Irlande. Parades,  cup cakes verts, soda bread, chou, le marketing se déchaîne en vert, toutes délicieuses spécialistes irlandaises, y compris le Premier Ministre, on a tout eu à Washington. Il était plutôt sympa et simple le Premier, la Guinness coulait à flot  lors d’une énorme réception au Grand Hotel. Dans son discours il a promis qu’il faisait tout pour que plus d’Irlandais puissent émigrer aux Etats Unis. Comme François, notre nouveau Président, l’avait fait l’année dernière, il a rencontré Obama. Mais pas comme François, il  lui a surtout demandé de régulariser les sans-papiers irlandais. La loi  sur l’immigration en discussion au Congrès américain suscite beaucoup d’espoirs pour ceux-là. Moi je trouverais bizarre que notre Président vienne plaider le 14 juillet auprès d’Obama pour que plus de français puissent quitter la France. Les copains irlandais, eux, ils trouvent cela normal. Normal qu’il y ait infiniment plus d’Irlandais en dehors que sur le sol national. La nouvelle génération incarnée par la fille de mon mari en particulier, elle, accepte mal de devoir émigrer faute de travail chez elle. Les enfants sont donc en colère contre la classe politique irlandaise qui a ruiné le pays, les obligeant à émigrer.  
Tandis que les Américains d’origine irlandaise sont restés conservateurs, les Irlandais arrivés récemment n’auraient pas l’idée d’aller à la messe, et ne sont pas opposés à l’avortement.
Vous avez compris, ce ne sont pas les plus progressistes qui restent en Irlande. Dommage.
Les Irlandais d’Amérique restent en tout cas très attachés à leur pays et à leur famille de là-bas. Mais ils souffrent du fossé culturel qui se creuse avec leurs mères. Elles se réjouissent mais leur en veulent en même temps. J’imagine que mon père, monté à Paris dans les années quarante, a dû vivre la même expérience avec sa famille restée au village. « Pour qui se prend-il celui-là ? ». Moi je jure que n’ai pas changé, je suis restée la même !

Donc les Irlandais de Washington suivent de très près les performance de l’équipe de foot nationale. Ils regardent les matchs dans les pubs quand le décallage horaire le permet, mais on se lèvera à 5 heures du mat pour un match qui vaut le coup.
La diaspora irlandaise se fréquente beaucoup à DC. Les lads (potes) se retrouvent régulièrement dans la cuisine des uns et des autres, pour jouer de la musique et chanter, avec un  enthousiasme  imputrescible, les classiques du répertoire irlandais.  Mon répertoire à moi va de l’« Oranger sur le sol irlandais, on ne le verra jamais » (Bourvil, difficile à chanter) au non moins imputrescible « la Vie en Rose », dont on ne se lassera jamais, repris en en chœur par les voix irlandaises. Un tabac. Nous les français(es) on peut emballer autant d’Irlandais qu’on veut avec des trucs simples comme ça.

Si vous allez en Irlande, révisez le répertoire Edith Piaf.

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