Sunday, May 5, 2013

Le coffre-fort, le rat et l'anti-moustique




L’autre jour mes voisins se sont fait livrer un coffre-fort. La veille ils ont fait évacuer la rue  pour qu’un camion remorquant une gigantesque grue, plus haute qu’un gratte-ciel,  hisse jusqu’à leur premier étage un coffre-fort deux fois plus gros que mon frigo américain. Tout le quartier a pu contempler, éberlué, l’objet qui se balançait dans le ciel au dessus de Dupont. Quels trésors possèdent-ils donc en sus de leurs caniches gold ? D'après des amis-qui-s'y-connaissent, les gros coffre-forts servent à stocker des armes! Nos voisins seraient donc des amateurs d'armes.
 Ils ont installés des caméras à l'avant et à l’arrière de leur maison, et de puissants halogènes éclairent  le parking  où sont garées leurs trois magnifiques voitures-de-luxe, éblouissant leurs voisins (nous). Ils sont  équipés des fenêtres anti-ouragan et certainement  d’une panic room, d’un abri anti-atomique et de masques à gaz. Il ne faut pas que j’oublie de leur demander comment ils luttent contre les moustiques. Il y a aussi les rats, un habitué fréquente assidûment la touffe de  thym  que j'ai planté dans l’arrière cour. Ce que le thym et moi-même apprécions peu.

La société américaine est pudique. 
Démonstration.
Chez le docteur, tu te déshabilles et tu enfiles une blouse en coton à fleurs qui se ferme par un lacet, et tu attends patiemment qu’Il arrive. Le docteur  est enfin là, il dévoile le centimètre concerné de ton corps pour l’ausculter, c’est tout. Pareil chez Kine, ostheopathe etc, on reste habillé, et à peine on te touche, non mais.
Les mères quand elles  allaitent leurs bébés américains (les médecins recommandent le plus tard possible, donc pendant au moins un an) se drapent dans un immense tablier attaché autour du cou et cachent ce sein que nous ne saurions voir.
A la plage aucun signe de vélléité naturiste, pas le moindre sein nu en vue, même à Miami Beach, l’empire du vice, même si les maillots panthère, pailletés, équipés d’anneaux, franges en cuir, tous symboles sado-maso équipent les bikinis riquiquis.
La longue plage de Chincoteague affiche un grand panneau « nudité interdite », comme ça, tout d’un coup, alors qu’on a des kilométres de désert de sable devant soi. Je sursaute et remonte illico ma bretelle qui avait glissé…

On reste vêtues, mais les décolletés sont macro et dévoilent une abondance de chair tandis que les robes sont si micro que les pauvres chéries doivent tirer dessus sans relâche pour les empêcher de remonter sous leurs aisselles. Le tout en oscillant sur des talons vertigineux, café, laisse du chien, smartphone  en main. Tout ceci est-il bien prudent ?
Par contre à la moins goutte de pluie, ces court-vétues s’équipent de bottes en caoutchouc type bottes d’égoutier, accompagnées de jambières. C’est très sexy dans les rues mouillées de DC.

J’ai été étonnée par un modèle de lunettes de soleil  qui ressemblent à des masques de plongée ou à ce que j’utilise pour me protéger quand je réalise une soudure des canalisations.

J’en aurais bien besoin quand je fais le ménage car les produits d’entretien sont si puissants ici et  toxiques, que tu as les yeux qui pleurent, le nez et la gorge qui brûlent, tu suffoques, au bord de t’évanouir. D’ailleurs les flacons sont couverts de précautions d’usage, comme par exemple « ne pas inhaler » (il faut arrêter de respirer quand tu frottes la baignoire, je n’y avais pas pensé). Pas bon pour la santé de faire le ménage (je le savais bien).

Les moindres travaux en ville ou sur la route font l’objet d’énormes panneaux de signalisation fluo qui clignotent. En toutes occasions sont érigées des barrières de sécurité, des agents orientent, canalisent, rien n’est laissé au hasard.  A chaque événement, par exemple l’inauguration d’Obama ou la Gay Pride,  des milliers de volontaires sont mobilisés pour assurer la sécurité. Cela me fait penser (avec nostalgie) à la Belgique. Parce que là c’est tout le contraire. Les flèches te dirigent très souvent vers le ciel ou vers des trous.

Par contre tu es seule au supermarché, bien seule et perplexe devant ton poulet ou ton pain emballés. La lecture de la composition de la nourriture réclame des talents de détective pour trouver et comprendre la liste de leurs composants, par exemple pour le jambon, sirop de maïs, dextrose, sodium erythorbate, phosphates. Pour les saucisses, on ajoute du glutamate, des proteines de soja, de la dextrose, sodium nitrite.
Mais je suis prévenue, un avertissement me signale que la viande doit être consommée bien cuite car ces produits peuvent contenir des bactéries.

On n’est jaaamais trop prudent. Chez le docteur on signe des tas de papiers avant  qu’il accepte de lever son petit doigt d' expert hors de prix. C’est pour le rassurer qu’on a bien compris, qu’il n’est pas responsable de ce qui nous arrive et de ce qui va éventuellement arriver, qu’on s’appelle bien Michèle Martin, et qu’on sait à quoi s’en tenir (?). Juste avant la moindre intervention médicale, l’assistante puis le docteur te demandent de leur répéter ton nom, des fois que tu aurais changé d’identité ou perdu tes facultés mentales depuis la salle d’attente. La prochaine fois,  que je suis sur le billard,  l’anesthésiste prêt à piquer, je dirai benoitement que je m’appelle Brigitte Bardot ou Gérard Depardieu juste pour voir.

Le casque est évidemment un accessoire indispensable pour toute activité, ski, vélo, le truc à deux roues, le segway pour visiter lesmonuments du Mall. Notre facteur, qui au moins 80 ans,  il est ployé en deux sous le poids des enveloppes qu’il nous livre, porte en casque colonial en été pour se protéger du soleil. Et j’ai vu un casque sur la tête d'une dame en chaise roulante.

La police est très présente,  elle patrouille en voiture et c’est rare qu’on n’entende pas des sirènes hurler dans la ville. Le numéro d’appel d’urgence c’est le 911, le nine eleven, le 11 Septembre.
On ne peut pas l’oublier ce numéro. Si tu appelles parce q’un individu suspect cogne à ta porte la nuit (par exemple), une opération digne  de la Troisième Guerre Mondiale se déclenche. Une escouade de plusieurs voitures jaillissent dans les trente secondes,  la lumère de sphare inonde la rue, ils cernent le quartier, mettent en joue le suspect, mains sur le capot de la voiture, sirènes poussées au maximum. Quelle efficacité et quel spectacle pour tout le quartier qui applaudit, terrifié sur le pas de la porte de sa jolie maison.

Ce chapitre ne serait pas complet sans aborder la question des armes. Les lecteurs savent déjà très bien que tout américain peut posséder et utiliser des armes. C’est un droit reconnu par la Constitution, un droit daté mais inamovible. En tout cas j’ai signé la pétition adressée au Congrès pour intensifier le contrôle des acheteurs d’armes. Pour l’instant Obama n’a pas obtenu les voix requises, y compris du côté démocrate. Il parait que c'est pas demain la veille. En tout cas on m'a prévenue, pas d'incursions sur la pelouse d'autrui. Si ton chapeau s'y envole, tu l'y laisses,  n'oublie pas le contenu du coffre-fort des voisins.
On a peur ici, de tout.

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