Sunday, May 26, 2013

Mes beaux ongles d’Amérique




Que font les américaines de Dupont ou de Manhattan quand elles sortent de leur bureau ? Je répondrais volontiers qu’elle vont  promener le chien et qu’après elles vont à la gym avec leur mat (tapis) et leur queue de cheval.
Bonne réponse, mais après ?
Elle vont au supermarché et ensuite préparent le diner ? Elles font tourner la machine à laver ?
Faux.
Cuisiner cela ne rime à rien. La livraison à domicile ce n’est pas que pour les chiens. On commande sur le smartphone, en sortant  du bureau, des plats du monde entier : tacos, tandoori, sushis, des petites choses exotiques.
Ceci explique pourquoi les cuisines restent pimpantes à jamais, les produits d’entretien déjà mentionnés n’y sont pour rien de rien.
Quand à la machine à laver, le séchage, repassage, on ne sait même pas ce que c’est. Le cleaner chinois du coin de la rue se charge de te restituer robes  et lingerie lavées et repassées.
Mais que font-elles donc de leurs soirées ?


Elles se font faire les ongles pardi ! Pieds et mains et massage du mollet, oh quel bonheur, en sus. Les ongles des mains américaines sont des œuvres d’art. Les afro-américaines en particulier portent d’immenses faux-ongles  décorés de motifs colorés, fleurs, papillons, arc-en-ciels, qui me fascinent.  Chauffeurs de bus  et policières boudinées dans leurs uniformes, postières et assistantes médicales rivalisent d’ongles dignes des impératrices de Chine. Pour conserver intacts de tels ongles, tu dois empoigner le monde avec des pincettes. Ce qui explique peut être une certaine distance dans les relations  avec les clients.
Dupont et ailleurs sont jalonnés d’ongleries, comme Miami l’est de tatoueurs,  où officient des esclaves venues de toute l’Asie. Elles passent leurs journées et soirées assises aux pieds des américaines, dans la vapeur des solvants, à tailler, limer, laquer, polir.
Le rituel est immuable, tu choisis ta couleur de laque, la patronne-garde chiourne te désigne une ongleuse, tu te répands dans un grand fauteuil mou en skaï beige. L’importateur chinois de fauteuils doit avoir le monopole des fauteuils d’onglerie. Là tu as l’option « massage du fauteuil ». En général tu t’abstiens et tu choisis ton option « mon smartphone » et tu te mets instantanément à pianoter sur ta machine. Une interruption du pianotage est cependant nécessaire quand  les ongles de ta main y passent à leur tour. Avant la laque, tu paies, pour que  ta visa ne griffe pas ta jolie main manucurée.
Si tu choisis l’option « massage des pieds, dix minutes, dix dollars », la dame met en route une minuterie de cuisine. Qui sonne atrocement  quand, les yeux fermés, tu baves de plaisir tandis que des doigts habiles s’enfoncent délicieusement dans ta chair.  Là, une voix asiatique te claironne: « 10 more minutes, 10 more dollars».
En sortant, une seule option, un dernier verre au bar de Kramers que tu saisiras délicatement entre le pouce et l’index, les autres doigts en l’air et les orteils bien rebiqués dans tes tongs.

La paille est une autre option à considérer.

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