Certains mauvais esprits français ont pu comparer Washington à Limoges, se référant à sa folle ambiance. Je ne suis pas d'accord, à la différence du chef- lieu de la Haute Vienne, où furent naguère placardés des officiers punis (d’où le terme « limoger »), Washington est une ville très internationale. Toute la planète est là ainsi que beaucoup de Français, souvent mariés à d'autres nationalités. L’époux français est apprécié des époux/ses du FMI. Qu’elles soient Paraguayennes, Turques, Chinoises, Américianes, elles ne jurent que par notre romantisme. La Française, n’en suis-je pas la preuve éclatante, est en tout cas un produit exportable pour accompagner les maris Irlandais.
Je ne me sens pas isolée dans ma Francitude. Je recours au réseau en ligne “Mamans autour de DC” si j’ai besoin d’acheter des mirabelles, de me renseigner sur la compatibilité France-US de mes guirlandes de Noêl électriques, ou de vendre un ouvre-boîte, une collection d’« Okapi », un étendoir Ikea, pour trouver un psy ou un orthodontiste, pour me faire des amis. Et encore pour commenter, aimer ou déplorer. Quelquefois des disputes en ligne entre deux « mamans » sur le prix de l’ouvre-boîte profitent à tout le réseau des 1200 membres. Cela occupe.
C’est par le site que j’ai rejoint mon club d’écriture, et rencontré trois anges gardiens qui m’ont encouragé à développer ce blog.
L’Alliance Française est située à côté de chez moi, ce qui me permet de suivre les amours de Gad Elmaleh et Charlotte de Monaco dans Paris Match, de découper en douce les fiches-cuisine de Elle, et de me sentir chez moi dans cet îlot chaleureux fréquenté aussi par des américains épris de la France. C’est là que j’ai rencontré Dawn, ma prof d’américain francophile. Je ne pouvais imaginer qu’elle avait vécu cinq ans à côté de chez moi à la Goutte d’Or à Paris. Elle m’a fait découvrir les us et coutumes américains, tout en s’attaquant courageusement à mon irréductible accent français. Grâce à elle, après tant d’années de douleur et d’incompréhension, enfin, j’aspire les H et on sait de quoi il s’agit quand je dis mouth (bouche) ou mouse (souris) ou sheet (drap) plutôt que shit (merde). Elle m’a appris à ouvrir la bouche, comme il faut, car nous les français on s’exprime avec la bouche en cul de poule, on marmonne, on susurre, on ne se remue pas la glotte, en fait.
Elle m’a montré des sites Internet comme celui de David Sconda, où sont dessinées des planches anatomiques pour othorino. Bouche, gorge, dents, langue, tout le dispositif qui mobilise les cordes vocales est détaillé. David, yeux écarquillés face à la caméra, se livre à une gymnastique facio-maxillo-linguale impressionnante. On a l’impression que même ses amygdales sont mobilisées.
Autre quartier du village, la Chambre de Commerce Franco-Américaine, qui invite les Français à des goûters-crêpes ou des dégustations de vins et fromages, a organisé une soirée dansante caritative sponsorisée par les boîtes françaises. Au programme : Claude François, Alexandra et Alexandrie, tombola. Dans la liste du Village gaulois figurent aussi Washington Accueil, pour les nouveaux arrivés, le Lycée Français Rochambeau, l’amicale des Chti’s de Washington, les paroisses catholiques et protestantes francophones, et j’en passe.
En fait c'est avec les nombreux Africains rencontrés partout que je parle le plus ma langue. Dans les rayons et à la caisse du supermarché je suis contente de discuter de notre expérience de l'Amérique avec des Togolais, Camerounais, Béninois qui sont là car ils ont gagné
la loterie de la green card ou parce qu'ils sont réfugiés politiques. On se raconte nos histoires, d’où on vient et
pourquoi on est là, le serveur de la cafétéria du musée était médecin au Congo,
le chauffeur Camerounais du bus de l’aéroport travaillait comme ingénieur agronome. Ils ont souvent plusieurs boulots, ils disent que les
temps sont plus durs maintenant aux Etats Unis même si c’est plus facile d’y
émigrer car la France leur est fermée.
Excellent!
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