Le marché immobilier
est vibrant comme on dit à Washington, les jeunes dans des colocs à prix d'or,
les familles dans des coquettes maisons en banlieue de Virginie et du Maryland.
Se loger dans la capitale des États-Unis coûte the skin
of the buttocks, pas la moindre piaule à D.C. à moins de 1500 dollars. Se loger ici, c'est comme
chercher à se loger dans le septième arrondissement de Paris. Mais sans Paris
autour.
Ce marché immobilier
je l'explore car on veut déménager, oui, je veux quitter Dupont ! On vit aujourd'hui
dans une townhouse, une petite maison
qui date de 1890, toute en longueur et basse de plafond. On a un magnolia dans l'arrière-cour qui cache le peu de
lumière qui nous reste et perd ses énormes feuilles à longueur d'année, un élevage
de moustiques très en forme qui se reproduit dès que la température dépasse les 5 degrés et rend
meurtrière l'ouverture des fenêtres, un rat gras de quartier riche, qui a élu domicile derrière le tas de
bois, et de mignonnes souris
dodues comme celles du dessin animé Cendrillon qui surgissent parfois de dessous le frigo. Quoi d'autre ?
La rue est plantée d'immenses biloboas qui nous arrosent de feuilles à l'automne et, comme
c'est une maison d'angle, cela donne un kilomètre de trottoir à balayer. Ensuite il y a la
neige, et il neige SANS ARRET cet hiver, on est transformés en cantonnier à gratter le
trottoir en permanence.
Je suis la seule
créature de couleur blanche à faire ce boulot-là dans ce quartier, ce qui révolte mes voisins : mais d'où sort-elle?
J'ai donc coché sur
Craig's list les logements à louer, et je suis partie enquêter sur le terrain.
Partout les murs sont blancs ou
gris ou jaune pâle. Parquet dans le living dont le bois est "espresso",
marron foncé. Quelquefois, mais rarement, les fenêtres sont "françaises", sinon elles s'ouvrent de bas en haut, pas bon pour mes
lombaires (et comment tu nettoies?). Le grand living est la seule pièce
commune, il est équipé d'une cuisine américaine (of course), c'est-à-dire un îlot plan de travail où
on cuisine et mange, d'un coin pour le canapé et d’une table où consulter ses mails, regarder la TV, etc. Quelquefois, la cuisine est
"galley" ça veut dire que la femme du proprio a aimé le modèle de
cuisine qui équipait son yacht et qu'elle l'a faite reproduire dans les aparts
des immeubles de son très cher mari. Cela donne un genre de boîte sans fenêtre
au milieu du salon. J'aurais le mal de mer de préparer mes diners là...
La grande chambre est
moquettée de blanc-beige ainsi que la deuxième chambre plus petite. Les
deux ont des closets, placards intégrés, super pratiques. Il y a TOUJOURS deux
salles de bains carrelées blanc avec de bas bacs-baignoires.
Voilà, c'est comme ça
partout, que tu visites des maisons, des appartements, quelque soit l'année de construction,
luxueux ou pas, c'est sans surprise, le même modèle, l'état des appareils et la
vue changent, c'est tout.
Si on choisit
d'habiter un immeuble, il y en a de très beaux construits dans les années
trente, très classe, et des modernes avec beaucoup de vitres plutôt moches. Ils sont tous énormes, abritent des centaines d'apparts dont les portes se
succèdent à chaque palier comme des chambres d'hôtel. D'ailleurs tu peux entrer
dans n'importe quel immeuble et demander au bureau de location au rez-de-chaussée s'il y a un appartement à louer, ils ont
toujours des apparts vides que tu peux visiter. L'autre jour, la gérante de l'immeuble Mondrian m'a raconté
qu'elle était là depuis 28 ans, avant elle a vécu toute sa vie dans la même
rue. Tous les immeubles ont un grand hall de réception où siège un concierge
nuit et jour accompagné de sofas, fauteuils en velours, plantes vertes,
bouquets de fleurs, un vrai décor de palais d'émir
d'Abou Dabi. Les décorateurs ne peuvent se déchaîner que dans les halls en
alignant marbre, miroirs, fontaines, colonnades, angelots, dorures à têtes de lions. Dans
les buildings modernes un écran plat à l'entrée diffuse les matchs de base-ball, le Bonheur. J'entre dans l'immeuble, m'ébaubis
sur la déco, et puis je visite l'appart sans odeur ni couleur et je leur
demande si je ne pourrais pas plutôt louer le hall.
Dans les parties
communes se trouve TOUJOURS la salle de gym où s'agitent des habitants sur des
machines rutilantes, les boîtes aux lettres qui affichent si on a du courrier,
un service de teinturerie, le distributeur de café gratuit et les
cookies, le business center avec des ordi, une salle télé, la salle pour mes
réceptions (à louer 1200 dollars la soirée), le toit-terrasse équipé de barbecues et parfois d'un
billard ou d'une piscine, évidemment à partager. Voilà, quand j'en ai marre de
ma moquette beige, je vais retrouver les voisins avec un pack de bière et on se
racontera notre vie. Vous avez compris, après m'être faite livrer des
sushis ou les
courses commandées en ligne, je serai autarcique, plus jamais besoin de sortir.
J'oubliais de
mentionner qu'une nouvelle construction propose même un parc à chiens sur le toit, le rêve, promener
son toutou en pantoufles en discutant avec celui du voisin.
Finalement on ne va
pas déménager.
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