L'année se termine, ma deuxième année à Washington. Je pense à Alain Mabanckou. Je trouve formidable qu'une université américaine lui ait demandé d'enseigner la littérature francophone, à lui un Français d'origine congolaise. Il déclare que toutes les villes sont belles et qu'avec chacune il a une relation particulière: Brazzaville où il est né, Paris, la ville de ses rêves, Bruxelles ensuite et Los Angeles où il vit maintenant. Je constate qu'Alain et moi on a trois villes sur quatre en commun. Il cite aussi Dany Laferrière qui considère que l'écrivain devrait vivre dans une ville qu'il n'aime pas. Parce que cela aide à créer de ne pas se sentir bien où on vit? " Pour moi une ville c'est le mélange entre la physique de la ville et la chimie des gens qui y vivent. Si le cocktail fonctionne, on y plonge.
L'identité française est-elle fongible dans le Grand Bain Américain? Impossible my dear, car on me rappelle sans cesse d'où je viens. Je ne m'étais jamais posé la question de ma francitude avant de venir ici où on ne se contente pas de la simple réponse "I am Frrrench". Verre en main, l'interlocuteur reattaque sans respirer: "where in France?". Je réponds tranquillement Paris, c'est plus simple, de toute façon l'effet est garanti, les yeux de l'autre se mettent in petto à briller, comme si j'avais appuyé sur un interrupteur. Pour moi c'est trop compliqué d'expliquer que je suis née en Afrique, que j'ai vécu en Normandie, à Nice, à Bruxelles, Paris-9ème-et-Barbès le quartier des Sapeurs, les amateurs de Sapes élégantes dont parle si bien Mabanckou.
Si quelqu'un me demande si j'aime Washington je réponds que je n'ai jamais eu autant l'impression de vivre au milieu de stéréotypes, blancs riches et minces, noirs pauvres et gros, qui ne se mélangent pas. Sauf au club de Jazz et chez BuzzBoys and Poets, une chaîne de restau-bar-librairie-concerts-galerie à la déco colorée, tables basses, sofas profonds, un lieu qu'adoreraient nos bobos.
Ce qui est bien à Washington, c'est que, en plus des Américains dont j'ai parlé dans ce blog, il y a aussi plein d'autres pas Américains et on baigne tous ensemble dans notre diversité dans la culture américaine. On vient de partout mais on se ressemble (évidemment pas moi, d'abord je n'ai pas les cheveux longs) et on fait tous les même choses: positiver (enfin faire semblant de) et être polis, s'excuser pour tout, faire des happy hours et du networking, déjeuner d'une soupe pho, d'un poulet tandoori ou d'un falafel achetés à un Food truck,
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c'est beau l'Automne mais fatiguant à ramasser |
ces camionettes aux couleurs flashy qui stationnent près des bureaux, prendre un coach de vie, rencontrer des amis pour le brunch le week end et boire du mimosa, Prosecco et jus d'orange (détonnant pour un estomac fatigué par un samedi soir chargé) ou Bloody Mary à réveiller une momie, écouter Rachel Maddow qui passe toutes ses soirées sur la chaîne MSNBC à se moquer des Républicains, se faire peindre les ongles, balayer des tonnes de feuilles devant sa porte au Fall, courir sous la neige avec un bonnet de père Noël, et surtout raconter sa vie personnelle à des inconnus qui te trouvent amazing. Je passe beaucoup de temps à écouter les parcours des réfugiés politiques que je rencontre au volant des taxis, en train de ranger les fruits et légumes dans les rayons du supermarché, dans le vestiaire du club de gym du DCJCC. Surtout des Africains venus du Soudan, Cameroun, Congo, Togo, Ethiopiens qui sont 200 000 parait-il ici. Des jumelles éthiopiennes sont les propriétaires d'un super club de jazz, le "Twins" où j'enmène tous mes visiteurs. Les deux dames sont photographiées très jeunes dans les années 70 à l'entrée du club. Tous les soirs de l'annnée elles sont juchées sur des tabourets du bar et regardent des matchs de base ball muets pendant les concerts. Elles font partie de la mythologie de U Street, le quartier des émeutes raciales et des manifestations pour les droits civiques. Aujourd'hui c'est Le lieu où sortir, les bars et restaus y poussent à chaque seconde et la foule s'y presse les week end, filles brushées en micro jupes oscillant sur talons vertigineux et gars en jeans tombant sur les hanches et chemises à carreaux de bûcheron.
En fait le Jazz ici, c'est pas rien
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