Tuesday, September 4, 2012

Manger en Amérique

A l'aéroport de San Francisco



Je confirme que les légumes et les fruits  « organic »,  bio, sont excellents et peuvent l’être à 4 dollars et demi en moyenne les 400 grammes de pêche, de haricots verts, de courgettes, de tomates de bonne qualité. J’ai d’abord cru que les prix annoncés correspondaient à des kilos, quelle patate je suis. Deux lieux pour ces denrées de choix, le Marché des fermiers le dimanche et le supermarché Whole Food, le temple de la bio, où tous les produits y inclus poisson et viande ont l’air de poser pour la photo tellement ils sont beaux.

Le Marché des Fermiers c’est Fauchon à la campagne,  j’y ai découvert la tomate Heirloom, un délice qui se décline en plusieurs modèles. Les fromages de chèvre sont des bijoux dans des écrins et tout produit méditerranéen, houmous, caviar d’aubergine, olive, tomate séchée, chanterelle, parmesan, mesclun devraient être côtés en bourse.

On y trouve même de la pissaladière proposée par des français, mais sans anchois et avec des œufs « pour le goût américain ».
Le  Légume Frais est donc réservé à ceux qui ont les moyens de payer pour ne pas devenir comme des baleines et rester en bonne santé, ceux qui ont fréquenté les bonnes écoles et  ont eu accès à un minimum de culture culinaire. Il faut aussi habiter dans un beau quartier. Pas évident.
Les papes des végétaux qui se mangent vivent en Californie, ils sont français ou américains, ont des restaus aux noms français, ou italien, comme Tyrel Florence (SIC) qui a construit un empire à partir de Napa Valley où se négocient à prix d’or l’once de tapenade, le flacon de vinaigre balsamique et  le sachet d’ herbes de Provence. 
Tous ces chefs ont publié de gros livres de recettes qu’on peut acheter dans leurs très bons restaurants. Beaucoup visitée, l’icone du  chef habillé négligé et  panier au bras qui déterre ses carottes dans son champ et fait mijoter son cassoulet sur un feu de camp en compagnie de rougeauds locaux. L’anglais Jamie Oliver avait innové dans le registre avec son livre de cuisine italienne, un génie.  Si ma grand-mère Suzanne voyait ça, elle vaudrait des millions en Amérique  !
La pionnière c’est Alice Waters qui officie Chez Panisse à Berkeley près de San Francisco, et à l’occasion à la Maison Blanche car Michelle Obama ne jure et ne mange que par elle. 
 Michelle a d’ailleurs planté un potager derrière les massifs de rhododendrons présidentiels qu’elle entretient avec amour sous l’œil de photographes. Elle a obtenu que les cantines des écoles offrent au moins un légume chaque jour aux écoliers.
San Francisco est pleine de boulangeries-pâtisseries françaises, avec des vraies baguettes. La chaîne La Boulange, vient d’être racheté par l’empereur du café,  Starbucks, enseigne qui inonde tous les coins de villes d’Amérique.
Pas de pain français à Washington, pas le goût de la Côte Est sans doute où le pain américain, mou comme du chewing gum, ne se trouve que sous plastique, en supermarché, sa composition me laisse en général perplexe, est ce vraiment nécessaire d’y ajouter de la mélasse de maïs ?
En Oregon, au nord de la Californie, j’ai goûté les pires huitres de ma vie, énormes et blanches, pleine d’une laitance épaisse, présentées sur l’assiette sans coquille ni eau de mer, avec du ketchup et des biscuits ! Horreur et damnation, on vendait ces choses partout, en boîte, bocaux, sous plastique, fumées, frites, ketchuppées, mais que ne leurs font- ils pas ?
Mon régime a pris un coup pendant ce voyage dans la campagne oregonnaise, les restaus ne servent que des trucs frits, les légumes d’accompagnement sont soit des frites, soit du riz, et tout produit, notamment le saumon qui est roi dans la région, est accompagné de sauces épaisses, la fameuse spécialité de l’ouest, la clams chowder, soupe de fruits de mer,  est si pleine de farine que ta cuillère tient debout. Et le  Dungeness  crabe mou, on te le sert sans son corail accompagné de sauce cocktail sucrée. 
Je n’ai pratiquement pas croisé un fruit ou un légume entre Seattle, où la cuisine est plus que civilisée, un marché sublime, du jambon serrano et du vin corse au coin de notre rue, et Mendecino au nord de San Francisco. Mais c’est un très chic et joli village où par ailleurs a été tourné la Fureur de vivre avec James Dean et Nathalie Wood, souviens toi de la scène culte des  jeux dangereux des adolescents au volant au-dessus des falaises ? Là j’ai mangé dans la Little River Inn des coquilles Saint Jacques nichées sur un risotto-épinards accompagné d’une sauce tomate séchée-safran, met réconciliateur avec l’Amérique !



Manger en Chine



Chinatown est au centre de San Francisco, tu marches dans la rue, tu es en Amérique et tout d’un coup hop tu es en Chine, les maisons, les gens, ce qu’ils font, les magasins, ce qu’ils vendent, la musique, tu as basculé dans un autre pays.

Le quartier gravite autour d'un parc où se réunissent les personnes âgées, un orchestre accompagné de  chanteurs et chanteuses, des messieurs qui jouent à toutes sortes de jeux, des groupes qui discutent à l’ombre, des dames qui méditent debout pour faire la publicité d’une technique de méditation. 
Dans les rues autour sont ordonnés les magasins très bon marché, la clientèle de l’alimentation est exclusivement chinoise. Tout ce qui peut exister du règne végétal ou animal de mer (je n’ai pas exploré la viande) est là, la plupart est séché et assez inidentifiable, sauf les concombres de mer, les coquillages, poissons, champignons. 
 Côté poissonnerie et poulets, la clientèle de Whole Food, notre supermarché organic, s’évanouirait d’horreur,  les gros poissons vivants, tirés de grands viviers glougloutants sont découpés devant toi et leur sang ruisselle sur l’étal, l’œil des poulets te lorgne, les tortues et les grenouilles attendent stoïquement leur destin fatal, stockées dans des bassines. Mais que font les défenseurs des animaux ? Ils craignent sans doute de finir séchés dans des bocaux. 






Je suis entrée dans un couloir sombre qui annonçait « massage des pieds, réflexologie ». Une famille américaine y était alignée, étendus sur des fauteuils, le papa, la maman enceinte, les deux petits garçons de huit et quatre ans, tous les yeux fermés dans un état de volupté extatique, tandis que des dames leur enfonçaient doucement et fermement les doigts dans la plante des pieds. Je n’ai pas hésité et j’ai fermé les yeux, ratant la recette de bœuf à la Sezchouannaise sur le grand écran plat présentée par deux chefs en toque à une journaliste qui louchait,  explications suivies avec attention par les employées masseuses.
Pour finir j’ai mangé des sushis dans des petits bateaux qui naviguaient dans une rivière qui coulait tout autour du bar.