Ouragan, précipice (fiscal), massacre, voilà
les mots de la fin de l’année.
De l’autre côté il y a le soulagement de la
réélection d’Obama, et ses larmes, je l’ai vu pleurer deux fois, le lendemain
de son élection, quand il a remercié les volontaires qui se sont engagés dans
sa campagne.
La deuxième fois c’était juste après le
massacre.
Depuis l’été, après un cinéma du Colorado et
un supermarché de l’Oregon, c’était dans
une école primaire du Connecticut, un presque enfant de 20 ans, il n’a eu qu’à se servir dans la collection
d’armes de sa mère pour la tuer ainsi que des enfants et des
instituteurs. La NRA, l’association des armes préconise des « good men with a gun » dans
chaque école. Et aussi chaque
supermarché, cinéma, musée, banque, poste, bus ?
Désormais Obama semble déterminé à ne plus se
laisser faire par les républicains, il
annonce une loi pour contrôler les armes,
il ne va pas non plus lâcher sur la taxation des plus riches. Le héros Obama va- t- il sauver la
middle class américaine ? En
attendant tout le monde est parti en c vacances de Noël sans accord sur
l’augmentation des impôts des plus riches.
Le millionnaire américain est une espèce protégée
parce que sa richesse est signe de santé pour l’Amérique. Et ils peuvent
naviguer d’un état à l’autre au gré des régimes fiscaux favorables. Mais là,
c’est l’impôt fédéral.
Pourtant, signe encourageant, 200 riches, les « millionnaires
patriotes » voudraient qu’on les
traite comme les autres et réclament de payer plus d’impôts !
Au même moment
certains de nos millionnaires français, espèce non protégée, fuient la tranche-de- trop à 75%. Notre Gégé Depardiou aime la France, il ne se
réfugie pas à Beverley Hill mais au plat pays, juste de l’autre côté de la
frontière. Il pourra ainsi faire ses
courses à Auchan à Valenciennes comme font les belges car c’est moins cher.
En novembre, j’ai vécu mon premier
Halloween, des supermen et superwomen,
des sorcières et des Blanche Neiges, des Darth Vador, des garçons travestis en Marilyn qui courraient
partout à Dupont Circle. Et pour une fois des petits enfants dans mon quartier, surgis de nulle part, pour récolter leurs
bonbons Ils avaient du faire une étude de marché, peu de concurrence dans
ces rues où on ne croise que des couples avec chiens. A quand un Halloween pour
chienchiens ?
Vivre la nuit électorale le 6 Novembre c’était
fascinant même si un peu compliqué à comprendre. Mais je m’y étais mise. J’ai
appris les « swing states »,
oh l’Ohio, la planète entière
sait maintenant où se trouve l’Ohio, et le vote anticipé. Ici le vote se tient
un jour travaillé alors que chez nous on vote toujours le dimanche et qu’on râle quand
c’est en mai car il y a les ponts des longs week end.
C’est un vrai suspense la nuit électorale, on attend
les résultats état par état, d’est en ouest au fil des heures, à cause du décalage
horaire, on a très très peur. Et puis tout à coup, c’est le jackpot, les
votes de la côte ouest tombent. Après on apprend qu’ Obama s’est mangé
les swing states, délire !
Ensuite il y a eu Thanksgiving et on a vu
Obama en famille « pardonner à une dinde », c’était une belle bête. On
devrait transposer ce rituel chez nous et lancer le concours annuel de qui fait
la dinde à pardonner.
Moi, comme beaucoup de washingtoniens je suis
partie fêter ailleurs. Au diner, à New York, chacun avait apporté son plat à partager
« un potluck ». La dinde était énorme et le coucher du soleil sur Central
Parc « So awsome oh my god ! ».
L’hiver
ne se presse pas d’arriver. Certains soirs, même
ces dernières semaines, tout le monde était en tenue d’été aux
terrasses. Les arbres aussi se sont mis très tard en tenue d’hiver (il y en a
même un devant la maison qui résiste
encore).
L’ambiance de Noël est quand même là, des
sapins hyper décorés dans les réceptions des immeubles et des bureaux, des gens qui chantent des chants de Noël à la
sortie du métro, illuminations,
patinoire sur le Mall, tandis que les happy hours explosent, on boit beaucoup
de coups au pub, club, bureau, église,
en groupes partout. Et ce n’est pas fini, ils seront nombreux à converger vers
Washington le 21 janvier quand seront
célébrées les festivités du nouveau mandat d’Obama, on réserve sa place aux
bals, parades, tandis qu’on commence à
dresser le décor, les estrades et podiums, d’un événement marqué par « la foi dans le futur de
l’Amérique ».
Cette année c’était beaucoup de rencontres.
Surtout des jeunes, récemment mariées (comme moi), à des maris du Fonds
Monétaire. Elles viennent de Turquie,
Ukraine, Malaisie, Ile Maurice, Australie, Colombie, Burkina Faso, elles sont
souvent super diplômées. Elles
ont des petits enfants, sont enceintes ou n’ont pas encore d’enfants, en
tout cas toutes cherchent leur voie dans ce pays pendant que leurs maris bossent comme des
fous. Et ils aiment ça.
J’ai dit au RH de Christine Lagarde tandis
qu’elle nous félicitait du
« soutien si essentiel qu’on apporte à nos époux », qu’il serait plus
rentable pour le FMI d’installer des dortoirs, comme dans certaines entreprises chinoises, pour garder
les pompiers de la stabilité économique mondiale sous la main en ces temps de crise.
Il y a aussi des maris au foyer. Georges est originaire d’un pays sous
dictature. Quand il a su que je m’occupais d’élections il m’a demandé de le conseiller car il veut jouer un rôle politique dans
son pays et se présenter aux élections. Il veut être prêt pour quand cela sera
possible.
Pour
nous aider à la trouver notre voie,
le FMI nous offre des séances de coaching et invite des gourous qui conseillent sur comment « faire du réseau », « valoriser
tes compétences », « mettre en scène tes succès » (story
telling) « connaître vos objectifs », « mesurer votre capacité à
être heureux », « trouvez un sens à votre vie »,
« embrassez les défis », « faites ce que vous aimez ». Leur
truc c’est de donner des exemples de réussites, par exemple cette mère de
famille nombreuse qui, une fois ses enfants grands, à tout quitté pour devenir
nonne et s’occuper de prisonniers, ce boxeur
manchot, cette afro américaine pompiste a rencontré un bon coach et elle est
maintenant sénateur.
Dans un studio de peinture du quartier, je
peins le vendredi après midi des nus tandis que posent des jeunes femmes et même
une fois un jeune homme beau comme un ange. Avec les autres bien plus artistes
que moi, on discute politique américaine tout en peignant ces corps nus. Et ils m'interrogent sur la France, les français, nos musées, notre politique C’est très serein car tout le monde est démocrate et aime la culture française.
Je suis aussi allée quelquefois chez Françoise
dans une grande maison dans la banlieue,
là où habitent toutes les familles. Ses enfants sont partis, son mari voyage et
elle est souvent seule. Elle s’est mise à la peinture flamande et étudie dans
une école d’art spécialisée à Baltimore.
Elle peint patiemment, avec amour et délicatesse pendant des journées
entières des nature-mortes, des fruits, des grains de raisin brillants sur des
petits tableaux.
Je n’ai jamais vu autant d’œuvres d’art de ma
vie, la Philips Collection, c’est
l’annexe de chez moi. Les Renoir, Van Gogh, Bonnard, Degas, Rothko, c’est un peu comme s’ils étaient
accrochés dans mon salon tellement je les visite souvent, en passant, ils sont
devenus familiers. Visité une collection
privée d’art contemporain, dans un grand parc paysagé exprès pour accueillir les œuvres immenses en tôle de
Serra. Parmi les œuvres exposées dans ce
musée, qui m’ont laissée baba, plus de
400 pièces fabriquées à la main entassées
dans un faux garage et formant un bric-à-brac, des répliques parfaites de
mégots, pneus de camions, bassines crevées, pots de peinture, vieux torchons, bottes
d’enfants, jouets cassés, boîtes
d’allumettes, piles de planches, jerrycan d’essence etc., le tout sculpté de
façon réaliste, moulé, cousu, brodé, une
folie de folie de folie.
Au cours d’anglais, ma prof me dit d’ouvrir grand la bouche quand
je parle car nous les français on s’exprime avec la bouche en cul de
poule, on marmonne, on susurre, donc on
ne peut pas prononcer correctement l’anglais. C’est sans doute pour cela que
les américains parlent si fort dans les restaurants, au point que les magazines
gastronomiques sont équipés de machines à mesurer les décibels et note le menu
et le son. J’ai dit à ma prof que nous
les français, au restau on ouvre la bouche surtout pour manger, évidemment
c’est de la mauvaise foi.
Ici comme ailleurs, on consulte les sites pour rencontrer l’âme
sœur. Un couple septuagénaire m’a raconté leur rencontre. Son profil à lui était « je vis chez mon fils mais je vais
retourner au Sri Lanka pour aider mon peuple ». Ils ont correspondu
plusieurs mois même quand il est
retourné là bas enseigner. Comme sa vie était menacée il est revenu, un jour
il est
arrivé chez elle avec ses valises, il est resté, ils sont mariés, lui
réfugié Tamoul, elle psy New Yorkaise. Ils sont gais, ils sont enthousiastes, ils se ressemblent.
Le docteur Ramey, petit monsieur grisonnant dans sa blouse blanche,
me fait entrer dans son cabinet et me
dit de me déshabiller pour m’ausculter. Il sort de la pièce et, pour ne pas que je ne
m’ennuie pendant que j’enlève mes vêtements, il
met en route une vidéo de ses vacances avec sa femme et sa fille.
Médusée je regarde le docteur Ramey gambadant en bermuda à fleurs sur des
plages exotiques, sirotant des cocktails, embrassant sa femme au coucher du
soleil etc. Plus tard, quand je règle la
consultation qui a duré dix minutes, 400 dollars, je reconnais la délicatesse du docteur Ramey qui souhaite que ses patients sachent que leurs dollars sont bien dépensés.